D'une renaissance à une révolution ?
À l’aube du Quattrocento, à Florence, on assiste à un renouvellement tel de la connaissance de la langue et de la littérature grecques que l’on peut parler d’une rupture dans la pratique de la traduction des Anciens : celle-ci s’accompagne notamment d’une vive conscience de l’historicité des textes ; quatre siècles plus tard, à la fin du xviiie siècle, une seconde rupture se profile dans plusieurs pays d’Europe, caractérisée à son tour par une nouvelle revendication d’historicité et par la prise en compte grandissante de l’esprit national et du génie des langues.
Entre ces deux moments, la lecture des textes antiques se trouve, dans toute l’Europe, au cœur des préoccupations intellectuelles, source de débats et ferment des productions littéraires et philosophiques contemporaines. La traduction des Anciens doit alors être analysée dans des contextes divers, dont les enjeux sont linguistiques, mais aussi idéologiques et culturels : ils touchent à la pensée religieuse et politique, à la formation des concepts philosophiques, à la pédagogie et à l’expressivité des textes littéraires et de la poésie en particulier.
Le présent volume se donne pour objectif non pas tant d’examiner les traductions produites pendant cette période en fonction de critères d’« exactitude », mais d’appréhender, par le biais d’un regard historique, les traditions et les méthodes sur lesquelles elles reposent, afin de tenter de comprendre, à travers ce vecteur essentiel que constitue la traduction, comment se sont constitués notre connaissance et notre regard sur l’Antiquité.
Ainsi, au fil des études, le lecteur voit peu à peu se substituer à la vision d’une culture encore profondément vivante – avec laquelle on ne cesse de dialoguer – celle d’un monde appartenant définitivement au passé – sur lequel on ne peut plus poser qu’un regard d’observateur si passionné soit-il.
Introduction (Laurence Bernard-Pradelle et Claire Lechevalier)
Première partie : Enjeux philologiques, enjeux politiques
Ouverture. Quelques remarques sur le problème de la traduction dans l’Antiquité : Philon et Cicéron (Carlos Lévy)
Au seuil de la Renaissance :
une redécouverte au cœur d’une réflexion politique
Valère Maxime au miroir de Simon de Hesdin (Didier Lechat)
Autour de la figure pionnière de Manuel Chrysoloras : peut-on parler d’une école de traducteurs de la première génération à Florence ? (Laurence Bernard-Pradelle)
Deuxième partie:Un dialogue vivant (XVe siècle)
Chapitre 1
Auteurs profanes
Érasme traducteur d’épigrammes (Francesco Citti)
Traductere, convertere, transferre dans le Livre II du De imitatione de Bartolomeo Ricci (Laurence Boulègue)
La faveur des Anciens dans les livres militaires anglais au XVIe siècle (Pascal Brioist)
Du mot à la chose elle-même. Charles Estienne et les scriptores rei rusticae (Chantal Liaroutzos)
Théorie et pratique de la traduction chez Étienne Dolet et Jacques Peletier du Mans (Jean Vignes)
Chapitre II
Traduire la Bible
Ne pas traduire la Bible : Reuchlin et le paradoxe de l’homo trilinguis (Jean-Christophe Saladin)
Traduire le Psautier selon Vigenère et Desportes: le sens et la cadence (Bruno Petey-Girard)
Paroles bibliques ou langage théologique : les miracles de Jésus dans les traductions renaissantes de la Bible (Pascale Hummel)
Troisième partie: Une distance créatrice (XVIe et XVIIIe siècles)
Intensité et finesse. Le Prologue de L’âne d’or d’Apulée dans les traductions vernaculaires (allemande, italienne, espagnole, anglaise et française) de la fin du XVe siècle à la première moitié du XVIIe siècle (Ralph Häfner)
Traductions d’apprentissage et traduction littéraire du XVIe au XVIIIe siècles : histoire d’une banalisation (Martine Furno)
Les théories traductives du premier XVIIe siècle germanique et l’Antigone d’Opitz (Florent Gabaude)
Entre traduction et imitation : André Chénier (Catherine Volphilhac-Auger)
Un philologue entre traduction et imitation : Guillaume Dubois de Rochefort et l’Électre de Sophocle (Claire Lechevalier)
Bibliographie
Index